La hausse des taux d’intérêt est une crainte pour les investisseurs depuis quelques années maintenant, sans que elle se soit réellement manifestée dans les mouvements de marché. Cette année, nous avons constaté des taux à la hausse, comme on pouvait s’y attendre des niveaux de départ très bas.

Faisons le point.

 


Surtout aux Etats-Unis, où les taux à 10 ans ont bougé de 2.40% fin 2017 vers 2.86% à la fin du mois de mai, avec un pic intermédiaire à 3.11%, ce qui fait tout de même une amplitude de 0.71% en 5 mois, nous avons vu de la volatilité, mais avec une tendance claire, et probablement pas terminée, à la hausse. Le marché prévoit en effet encore 3 ou 4 hausses des taux courts par la Federal Reserve cette année. Celles-ci auront inévitablement une influence sur les taux longs, même si une partie sera absorbée par un considérable aplatissement de la courbe (indiquant que la différence entre les taux à court terme et ceux à long terme diminue). La plupart des investisseurs en taux américains semblent actuellement positionnés dans des avoirs à durée plutôt courte, ou à taux variables, qui pourraient même profiter d’une hausse graduelle des taux. Les indices de référence qui ont tendance à avoir une durée très longue, ont probablement beaucoup plus souffert que les portefeuilles réels.

L’image est différente au coeur de l’Europe : le taux 10 ans sur le Bund allemand débuta l’année à 0.43%, monta ensuite de façon assez impressionnante vers 0.77% début février, avant de redescendre doucement vers des niveaux entre 0.50% et 0.60%. Mais à partir de mi-mai, sous l’influence de la fuite vers les valeurs de qualité des investisseurs inquiétés par les aléas de la politique italienne, la chute fut vertigineuse et eut pour résulta un niveau plus bas qu’en début d’année : 0.34%.

Comme il y a bon nombre de gérants de portefeuilles qui les utilisent pour améliorer leur rendement de base, nous ne pouvons laisser hors considération les taux dits “périphériques”, surtout représentés par la dette souveraine italienne. Le taux 10 ans sur ces BTP (Buoni del Tesoro Poliennali – bons du Trésor poly-annuelles) a suivi un tout autre parcours : juste au-dessus des 2% en début d’année, il resta plutôt stable jusque mi-mars, pour ensuite descendre vers 1.72% à la mi-avril. A partir de la deuxième semaine de mai, c’est la politique qui a commencé à donner le ton et le taux 10 ans monta comme une fusée vers 3.16%, pour finalement terminer le mois à 2.80%.

Pour être complet : les obligations étatiques japonaises, même si en quantité elles forment un marché énorme, ne sont que très rarement utilisées par nos plus importants gérants, à cause du niveau microscopique de leurs rendements. Le taux 10 ans japonais était à 0.05% en début d’année, doubla vers 0.10% avant de retomber vers 0.04% à fin mai. Pas vraiment un investissement d’intérêt pour des investisseurs non-japonais.

Maintenant regardons ce qu’a été l’influence de ces changements dans les taux sur les portefeuilles réels de nos clients. Nous avons pris en considération le top 8 des fonds flexibles dans notre gamme de fonds externes, afin d’avoir une vue diversifiée sur ce que différents types et styles d’allocateurs et de gérants flexibles ont pu faire sur les 5 premiers mois de l’année.

 

Qu’est-ce que ces chiffres et surtout le timing des plus hauts et plus bas, peuvent nous apprendre sur la corrélation avec les taux d’intérêts ? Assez surprenant, il semblerait y avoir une corrélation presque négative entre la plupart des fonds flexibles et les prix des obligations souveraines allemandes, même si leurs portefeuilles sont souvent largement investis en instruments de type obligataire.

Les pics observés vers fin janvier (sur 6 des 8 fonds) coïncident avec les taux les plus élevés sur les 10 ans allemands depuis le début d’année. Cela est probablement la conséquence de l’extrême confiance qui régnait sur les marchés à ce moment, augmentant les chances que les banques centrales se dirigent vers des taux plus hauts puisque les économies pouvaient se le permettre sans trop de soucis. Mais au moment où cet appétit pour le risque chute, pour n’importe quelle raison, nous voyons 2 phénomènes : les marchés pensent que les banques centrales pourraient diminuer le rythme de hausse des taux pour éviter de trop freiner l’économie, combiné à un retrait des investisseurs, délaissant les actifs à risque comme les actions pour se replier sur des valeurs sûres comme la dette allemande. Les 2 phénomènes feront évidemment baisser les taux longs.

De nos jours par contre, les portefeuilles ne sont pas forcément investis comme les indices de référence : nous observons beaucoup plus de risque de crédit, que ce soit en dette d’entreprises ou de pays périphériques, qu’en benchmarks d’obligations souveraines standards. Et la durée aussi est très différente dans les portefeuilles, comparé aux grands indices obligataires. Personne ne semble oser investir dans la partie très longue de la courbe, là où une petite erreur de jugement sur l’évolution des taux peut avoir de lourdes conséquences sur les performances.

Un domaine où quelques fonds semblent malheureusement montrer plus de corrélation fut la débâcle politique italienne. Plusieurs de nos partenaires en fonds, surtout français, étaient assez largement exposés au différentiel de taux italiens. Résultat : des portefeuilles en chute libre pendant la seconde quinzaine de mai, pendant laquelle les marché actions rétrogradaient également en réaction à la nervosité sur fond de politique italienne.

 

En conclusion nous pouvons constater que même pour des portefeuilles qui ont souvent une exposition maximale à hauteur de 50% aux actions, les performances sont aujourd’hui beaucoup plus en ligne avec celles des indices boursiers qu’avec les benchmarks obligataires. Le fait que les gérants ne sont plus prêts à tenir de grandes positions en longue durée sur du papier “core” européen comme ils le faisaient il y a 10 ans, les protègera d’un côté des effets négatifs que pourrait avoir une hausse des taux.
D’un autre côté, leurs portefeuilles ne pourront pas bénéficier de l’effet d’amortissement du risque qu’ils montraient auparavant, quand les actifs à risque, y inclus les crédits et les dettes périphériques qui semblent aujourd’hui prendre une place importante dans les poches non-actions, commenceront à souffrir d’une aversion aux risques qui regagne les marchés.
Pour l’année en cours il semblerait que les gérants disposant des plus grands budgets de risque en termes de volatilité, aient le mieux tiré leur épingle du jeu, réalisant de meilleurs rendements par un timing actif de leur allocation au risque. Mais il faut avoir l’estomac solide pour subir une volatilité nettement plus prononcée et des chutes intermédiaires parfois violentes.
Les gérants plus prudents dans la maîtrise du risque, qui s’appuient plus sur les parties non-actions de leurs portefeuilles, pourraient éprouver des difficultés à réaliser de bons rendements dans des marchés instables surtout quand la nervosité soudaine s’attaque aux deux parties de leur allocation.

 

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   Ruben De Roover