janvier 29, 2018
Janvier étant le mois du dieu romain à deux visages Janus, c’est toujours un bon moment pour regarder des deux côtés : que retenir de 2017 et que peut-on attendre/espérer/craindre pour 2018 ?
2017 fut indéniablement un grand millésime pour l’investissement en actions. A quelques exceptions près, tous les marchés actions ont délivré des performances positives à 2 chiffres. En devises locales bien entendu puisque mesuré en EUR ce fut moins évident pour d’autres devises. En effet, la stabilité politique évita des pressions négatives sur la monnaie unique, qui a donc su progresser en comparaison avec les autres devises majeures.
Les craintes de victoires populistes dans des états-membres tels que les Pays-Bas se sont avérées injustifiées et dans les pays où le progrès des populistes a eu une certaine influence sur la formation de nouveaux gouvernements (Allemagne, Autriche), les marchés ne semblent pas trop s’en faire.
Le vrai facteur de changement sur le plan européen fut un nouveau venu : Emmanuel Macron n’a pas seulement réussi son pari de bouleverser le paysage politique français mais semble aussi prêt à assumer un rôle de tout premier plan au niveau européen. Et il risque même de mener à bien de vraies réformes économiques dans son pays qui en a tellement besoin depuis si longtemps.
Un pays qui continue à se battre avec ses démons du passé, aussi bien politiques qu’en matière de (manque de) réforme économique, c’est l’Italie. Rien de catastrophique en 2017, mais la plupart des observateurs semblent s’inquiéter des difficultés que nous pourrions rencontrer à moyen terme. Ce n’est pas tellement une avancée du mouvement Cinque Stelle ni un potentiel retour de l’éternel phénix Silvio Berlusconi lors des prochaines élections qui cause des soucis. C’est beaucoup plus la perte de compétitivité comparée à des pays tels que la France, l’Espagne ou l’Allemagne : en une décennie l’Italie a réussi à creuser un retard de quelques 30%. Intenable à long terme, surtout combiné avec la plus grosse dette l’Union à 130% du PIB (bien évidemment encore devancée par la Grèce, mais que nous considérons hors catégorie ici…).
Ce qui nous amène à un domaine où il fut moins facile d’être performant 2017 : les obligations. Même si l’adage “plus bas pour plus longtemps” semble bien adopté, personne ne peut nier que les risques sur les taux sont à la hausse. Un changement de présidence de la BCE en 2019, une inflation qui grimpe tout doucement, des chiffres de chômage en baisse et des taux de croissance économique se rapprochant du potentiel : voici tous des facteurs qui mèneront tôt ou tard vers un changement de la politique de la banque centrale.
Si cela se manifeste par une nouvelle baisse du montant d’achats mensuels de dettes ou s’il s’agira d’une vraie première hausse timide des taux courts, cela reste une question ouverte. Dans tous les cas il s’agira de la fin du QE (« quantitative easing ») tel que nous le connaissons et cela pourrait temporairement déranger les marchés, comme ce fut le cas aux USA il y a quelques années lors des premières annonces de « tapering ». Mais jusqu’ici pas de raison de paniquer : malgré la tendance à la hausse sur les taux longs, même les marchés de la dette gouvernementale en euros ont affiché un modeste rendement positif pour l’année 2017. Sans garantie que cela puisse se répéter en 2018…
Aux Etats-Unis, il semble y avoir unanimité pour croire dans une hausse graduelle des taux courts (en 2, 3 ou 4 mouvements pour 2018 ?), mais sans trop de visibilité sur les effets que cela engendre sur les taux longs. Les effets n’étaient pas d’une telle ampleur que cela énerva vraiment les marchés ou causa des rendements négatifs pour 2017. C’est seulement tout récemment que la nervosité monta soudainement aux alentours des 2.60% sur le taux US 10 ans. Etonnant, puisqu’un scénario de 3 ou 4 hausses des taux courts devrait inévitablement mener à des taux longs bien au-delà des 2.50%.
Sauf si le marché anticipe une courbe des taux inversée ? Cela pourrait nous mettre devant de plus grand défis, puisque dans l’histoire économique cela fut trop souvent un signal annonçant la prochaine récession. Et franchement, après avoir assisté à un marché haussier qui entre bientôt sa dixième année (n’oublions pas que mars 2009 fut le point bas après la grande crise financière), nous ne devrions pas être trop surpris de voir apparaître des signaux de fatigue ou même d’angoisse.
Ce qui nous amène dans la partie prévisions pour 2018 à un regard bilatéral sur les marchés.
Les actions gardent clairement la faveur comme “place to be” pour réaliser de beaux rendements en cette nouvelle année. Les attentes sont particulièrement élevées pour les marchés européens, qui devraient rattraper les marchés US après avoir perdu plus ou moins 3 ans dans le rebond post-crise financière à cause de la crise de l’euro en 2011-2013.
Les marchés émergents sont eux aussi parmi les grands favoris. Même si le risque de taux US en hausse est bel et bien présent, ces pays semblent aujourd’hui nettement mieux armés pour résister à un choc, affichant dans la plupart des cas non plus de grosses dettes mais plutôt de belles réserves en USD.
Et même le Japon est sur les radars comme destination intéressante pour les investisseurs internationaux en actions. Non seulement le Yen semble vraiment bon marché aujourd’hui, mais les politiques économiques « Abenomics » se font accompagner de vrais changements d’attitude dans la gestion des sociétés, au bénéfice des actionnaires.
Les marchés US ont moins la cote aujourd’hui. Il est vrai qu’ils ont connu un parcours déjà très impressionnant marquant des nouveaux “all-time highs” à peu près chaque semaine, ce qui peut en effet donner le vertige. Et malgré la hausse attendue (et parfois crainte) des taux, tout le monde semble persuadé que le billet vert va s’affaiblir en 2018. Un facteur potentiellement dévastateur pour les rendements d’investisseurs non-US, qui se retrouvent en plus avec des frais de couverture de la devise en hausse permanente du fait que le différentiel de taux se creuse.
Trop de consensus sur un trop grand nombre d’actifs et de marchés serait-il le plus grand danger qui nous attend en 2018 ? Qu’arrivera-t-il le jour où le sentiment du marché change soudainement? Si ce changement est dû à un facteur de nervosité comme les discussions sur le Brexit qui tournent mal ou à une agression de trop par la Corée du Nord ou à un autre facteur encore inconnu à l’heure actuelle ? Jusque-là, la phrase qui décrit le mieux l’attitude de la plupart des participants du marché est probablement « l’exubérance rationnelle ».