décembre 4, 2017
Même si l’Écosse a lancé un processus de consultation populaire dans un cadre constitutionnel et avec l’accord de l’État membre historique, d’autres mouvements tels que ceux qui existent en Catalogne se concentrent sur des campagnes politiques hors de tout cadre constitutionnel, allant à l’encontre des positions nationales et européennes, ce qui exacerbe l’incertitude juridique et l’instabilité financière.
Le contexte historique, le cadre juridique et le degré d’avancement de chacun de ces mouvements diffèrent. Il est pratiquement impossible de prédire quels scénarios s’appliqueront à ces politiques-fictions. À ce stade, il semble peu probable que les actuels mouvements indépendantistes puissent être viables hors de tout processus constitutionnel entériné par l’Union européenne et, par-dessus tout, hors de toute négociation avec l’État membre historique, ce qui impliquerait l’adhésion à l’Union européenne dans le sillage de cette prise d’indépendance.
Il est cependant intéressant de réfléchir aux normes qui s’appliqueraient et aux mécanismes qui pourraient être mis en place pour atténuer l’instabilité et l’incertitude juridique engendrées par ces phénomènes.
Notons que même si l’Union européenne n’a, en théorie, pas de rôle à jouer dans ces processus indépendantistes, la législation européenne continuerait de s’appliquer même après une sécession. De plus, certains principes et mécanismes préexistants au titre de la législation européenne peuvent contribuer à la protection des épargnants dépassés par l’incertitude d’une sécession. Cela est parfaitement illustré par les règles actuelles en matière d’assurance-vie conformément au principe de libre prestation des services dont le Luxembourg est devenu le spécialiste incontesté au sein de l’Union européenne
- La législation européenne devrait continuer à s’appliquer malgré les possibles sorties
(a) du fait de son principe de neutralité (2), si ces indépendances devaient fleurir dans l’Union européenne, son intervention n’a toutefois pas été prévue et elle doit :
(i) conserver une neutralité totale sur les questions concernant les relations politiques internes de chaque État membre,
(ii) s’assurer du respect de l’état de droit, c’est-à-dire la valeur cardinale de l’Union et, de ce fait, ne pas entériner ou donner effet à des initiatives contraires à l’ordre constitutionnel d’un État membre.
(b) L’indépendance effective d’un territoire n’entraînerait pas automatiquement son adhésion à l’Union européenne et cela constitue un autre paradoxe (tous les États membres doivent en effet voter à l’unanimité en faveur de l’intégration de ce nouvel État dans l’Union). Toutefois, 85 % de la législation de certains États membres (et donc des régions potentiellement sécessionnistes) sont issus de la législation européenne.
En conséquence, même si elles sont devenues indépendantes, ces nouvelles entités continueraient sans aucun doute à respecter cette législation par choix ou par nécessité, alors qu’il n’existe aucune garantie qu’elles soient membres de l’Union européenne (ou de l’Espace économique européen), surtout celles qui ont fait le choix de la sécession. L’adhésion à l’AELE (Association européenne de libre-échange) dont les membres appliquent également la législation européenne (pour les 4 principales libertés) pourrait également être une possibilité, mais une fois encore rien n’est garanti.
- Mécanismes de protection des épargnants dont les contrats ont été souscrits conformément au principe de libre prestation des services
Il est intéressant de constater que le droit européen contient des principes et des mécanismes abordant la question de la déstabilisation financière et de l’incertitude juridique engendrées par de telles indépendances, notamment en matière de protection des investisseurs-épargnants.
Cela vaut surtout pour les épargnants qui ont fait le choix de l’assurance-vie conformément au principe de libre prestation des services dont le Luxembourg est devenu le spécialiste incontesté au sein de l’Union européenne.
Même si les objectifs premiers de ces mécanismes n’étaient pas de remédier à l’instabilité associée aux conséquences d’une indépendance, ils n’en demeurent pas moins pertinents face à l’instabilité et à l’incertitude juridique liées à une indépendance qui indubitablement affectera non seulement la région sécessionniste mais aussi l’État historique, voire la zone géographique proche.
Les risques auxquels sont confrontés les investisseurs-épargnants résidant dans des régions sécessionnistes sont globalement doubles :
(i) le risque de déstabilisation financière des institutions bancaires situées dans la région indépendante ou dans l’État historique du fait de mesures (plus ou moins pérennes) de restriction de l’accès à leur épargne, des mesures que l’on désigne sous le nom de « corralito » en référence aux mesures strictes de restriction de l’accès aux liquidités mises en place par les autorités argentines en 2002 ou celles mises en place en Grèce en 2015. Ce risque s’accompagne d’un risque de conversion forcée des actifs dans une monnaie qui serait sans aucun doute fortement dévaluée.
À cet égard, la protection offerte par l’assurance-vie souscrite conformément au principe de libre prestation de services est remarquable :
L’un des atouts fondamentaux des contrats d’assurance-vie dans ce domaine est le fait que ces investissements sont moins susceptibles de faire l’objet de mesures de restriction de l’accès que les dépôts sur les comptes courants ou les comptes de titres des institutions bancaires.
En outre, dans le cas des contrats conclus conformément au principe de libre prestation des services, ces actifs ne sont pas situés dans le pays à l’origine de ce type de mesures mais sont la propriété d’assureurs implantés hors de la région indépendante ou de l’État membre historique. Cette double protection réduit le risque de voir ces contrats faire l’objet de telles mesures de restriction.
De plus, le rachat partiel des contrats d’assurance-vie peut être envisagé à l’égard des comptes de dépôt des preneurs d’assurance résidant dans l’Union européenne mais hors de la zone géographique touchée par la sécession (et, de préférence, auprès de banques qui n’ont pas d’activités ou ne sont pas agréées dans la région sécessionniste).
Les atouts plus spécifiques de l’assurance-vie luxembourgeoise :
- bénéficient de la stabilité et de la fiabilité d’assureurs implantés au Luxembourg
- désignent une banque dépositaire implantée dans un pays autre que le pays de résidence du preneur d’assurance (ou le pays d’origine ou la zone géographique proche qui pourrait être déstabilisée), ce qui offre des garanties de stabilité et de solidité
- bénéficient de la ségrégation/du cantonnement des actifs qui figurent hors bilan dans la comptabilité de la banque
- bénéficient d’une protection des actifs qui, en principe, ne peuvent pas faire l’objet de saisie, de gage forcé…
(ii) l’incertitude juridique importante engendrée par une sécession, puisque le nouveau cadre normatif en vigueur devrait soit être élaboré à partir de zéro soit, plus probablement, être créé en associant la législation européenne et de nouvelles mesures mises en place par la nouvelle entité indépendante.
Dans ce cas précis, l’assurance-vie offre également, conformément au principe de libre prestation des services, des solutions fiables :
Dans le cas des contrats d’assurance-vie souscrits conformément au principe de libre prestation des services, il pourrait être remédié à cette insécurité grâce à la possibilité offerte par le droit européen de choisir, comme droit applicable, le droit de la nationalité du preneur d’assurance. À l’origine créée pour protéger les travailleurs européens migrants, cette option (dès le départ ou en cas de sécession) permettrait indubitablement aux ressortissants de l’État membre continuant à résider dans la nouvelle entité indépendante de se voir appliquer des normes familières (l’exercice de cette option pendant la durée du contrat devrait être possible tant que les droits d’une tierce partie ne sont pas remis en cause, ce qui ne devrait pas être le cas lors d’un retour au droit applicable d’origine ou à tout droit similaire).
De plus, l’assureur-vie agissant conformément au principe de libre prestation de services reste soumis à la supervision de son organisme de régulation local et aux règles régissant l’éligibilité des actifs conformément au droit qui lui est applicable. Cela résout une grande partie de l’incertitude juridique engendrée par l’indépendance.
La possibilité est bien entendu offerte à l’entité indépendante d’invoquer la protection de son ordre public pour prendre des mesures plus restrictives (gel des actifs, saisies, etc.) qui sont susceptibles d’affecter les actifs, les contrats ou les comptes des épargnants, mais du fait de l’absence de reconnaissance internationale, cet ordre public ne pourrait probablement pas se matérialiser. En outre, il en résulterait sans aucun doute des recours en justice, surtout si ces mesures étaient pérennes et contraires à la protection des intérêts des épargnants.
Comme évoqué dans l’introduction, les mouvements sécessionnistes ont peu de chance d’aboutir s’ils n’interviennent pas dans le respect d’un cadre constitutionnel entériné par les pouvoirs publics locaux et l’Union européenne. Toutefois, lors de la souscription d’un contrat d’assurance-vie, il serait judicieux de réfléchir aux avantages que la réglementation et les mécanismes européens actuels peuvent apporter au preneur d’assurance en tant qu’épargnant en termes de stabilité financière et de sécurité juridique. Un contrat d’assurance-vie souscrit conformément au principe de libre prestation de services, dont le Luxembourg est le spécialiste incontesté, peut atténuer la majeure partie des risques engendrés par les velléités indépendantistes et, plus généralement, par les crises financières, l’instabilité politique et l’incertitude juridique que cela engendre à l’échelle locale.
Un article rédigé par Antonio Corpas, General Counsel chez OneLife.
(1) Les îles Féroé danoises ne font pas partie de l’Union européenne.
(2) Article 4 paragraphe 2 du Traité de l’Union européenne : L’Union respecte l’égalité des États membres devant les traités ainsi que leur identité nationale, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, y compris en ce qui concerne l’autonomie locale et régionale Elle respecte les fonctions essentielles de l’État, notamment celles qui ont pour objet d’assurer son intégrité territoriale, de maintenir l’ordre public et de sauvegarder la sécurité nationale. En particulier, la sécurité nationale reste de la seule responsabilité de chaque État membre.