juin 28, 2018
Les assureurs luxembourgeois se posent souvent la question de savoir si, d’un point de vue règlementaire, un résident brésilien peut détenir une assurance-vie étrangère. Nous pensons qu’il y a lieu de répondre à cette question de manière objective et de présenter le contexte règlementaire et les conséquences fiscales dans cette juridiction.
Le cadre règlementaire brésilien
La règle générale veut que les individus et les entités qui résident ou sont domiciliés au Brésil puissent uniquement souscrire des contrats d’assurance auprès de compagnies régies par le droit interne et immatriculées auprès de l’autorité de contrôle et de supervision du marché brésilien de l’assurance (SUSEP). Par conséquent, les compagnies d’assurances étrangères ne peuvent pas exercer, directement ou indirectement, d’activités de vente et de marketing au Brésil ni établir des contrats d’assurance avec des preneurs d’assurance qui résident sur le territoire brésilien.
Ayant à l’esprit cette règle générale, la loi n’interdit pas que des non-résidents souscrivent une assurance à l’étranger au profit de résidents brésiliens. Sachant que le droit brésilien adopte le principe de légalité, aux termes duquel les individus et les entités sont autorisés à conclure des accords qui ne sont pas interdits par la loi, ce type d’accord devant être considéré comme un accord valablement conclu entre deux entités non brésiliennes dans le plein respect du droit de leur pays de résidence.
Dans ce contexte, de solides arguments justifient le fait qu’une entité étrangère, même si elle est contrôlée par des résidents brésiliens, puisse souscrire une assurance-vie aux termes de laquelle les assurés ou les bénéficiaires sont des résidents brésiliens. La loi brésilienne n’interdit pas cette situation puisque le résident brésilien ne souscrit pas une assurance-vie auprès d’une compagnie étrangère mais représente simplement le risque couvert par l’entité étrangère.
Il convient de garder à l’esprit qu’actuellement les autorités brésiliennes portent une attention accrue aux opérations réalisées par des structures étrangères au bénéfice de résidents brésiliens et qu’elles peuvent s’en désintéresser si elles considèrent que certaines de ces opérations sont des montages artificiels imaginés par des entités étrangères afin d’échapper aux restrictions imposées aux résidents brésiliens par les législation et règlementation locales.
Il convient donc de mettre en place une solution à la mesure des enjeux afin de réduire les risques de voir, par la suite, les autorités locales contester la structure proposée en privilégiant le fond par rapport à la forme. En ce sens, les assureurs étrangers devraient prendre en compte des facteurs tels que : la préexistence d’une structure dûment déclarée auprès des autorités brésiliennes qui n’a pas été constituée que dans le but de souscrire une assurance-vie, le fait que cette structure soit opérationnelle et/ou possède d’autres types d’investissements, l’objet social de la compagnie étrangère qui est d’agir en tant que holding et société d’investissement, la preuve d’un intérêt assurable pour la structure étrangère sur l’assuré, la compagnie étrangère doit être désignée en tant qu’un des bénéficiaires de l’assurance etc.
Il est important de mentionner que les grands cabinets d’avocats au Brésil ont confirmé que, jusqu’à maintenant, aucune loi, aucun règlement ou précédent faisant autorité ne permettent à la SUSEP d’utiliser l’approche privilégiant le fond par rapport à la forme pour interdire des accords légitimes et des structures régies par le droit de territoires étrangers. En outre, au cours de leurs recherches sur les jurisprudences administrative et judiciaire, aucun n’a pu trouver la moindre décision interdisant une structure similaire, impliquant une entité légale étrangère ou un étranger qui aurait souscrit une assurance étrangère aux termes de laquelle un résident brésilien est l’assuré ou le bénéficiaire.
Quels sont les critères à remplir pour être qualifié de police d’assurance-vie au Brésil ?
Sachant que le contrat d’assurance en unités de compte est un contrat international courant en dehors du Brésil, il est important de le comparer avec la conception brésilienne de l’assurance afin de définir les conséquences fiscales et juridiques brésiliennes.
Nous devons insister sur le fait que de telles polices d’assurance hybrides proposées traditionnellement par les compagnies d’assurances basées au Luxembourg ne sont pas communes au Brésil. Au Brésil, le secteur de l’assurance-vie est dominé par les produits d’assurance-vie temporaires (dont la validité peut être d’un an et qui ne permettent pas de capitaliser) ou de produits d’épargne retraite tels que les VGBL (“Vida Gerador de Benefícios Livres”- qui, pour des raisons fiscales, sont considérés comme des assurances-vie). C’est pourquoi, il est primordial de proposer une solution répondant au statut juridique de l’assurance-vie au Brésil afin d’éviter que les autorités fiscales brésiliennes ne requalifient les actifs financiers en revenus générés par un investissement financier étranger.
Les dispositions du Code civil brésilien définissent le contrat d’assurance comme un contrat aux termes duquel la compagnie d’assurances est tenue de couvrir les intérêts du bénéficiaire au titre des risques assurés liés à des personnes ou à des objets, en contrepartie du versement d’une prime. En outre, pour être considéré comme une assurance-vie, le contrat doit garantir le versement d’une indemnisation au titre d’événements futurs et imprévisibles et intégrer une couverture importante du risque de décès qui confirme la nature d’une assurance-vie.
Aussi, si le contrat est conçu sur la base des exigences mentionnées ci-dessus, les produits perçus par les bénéficiaires brésiliens devraient être considérés comme des indemnisations aux termes du droit brésilien.
Les conséquences de la fiscalité brésilienne
Une fois le statut d’assurance-vie acquis, il est nécessaire d’évoquer les conséquences fiscales éventuelles qui pourraient exister au Brésil.
En cas de décès, le Code civil brésilien prévoit que les prestations décès ne soient pas considérées comme la succession du défunt. C’est pour cette raison que les bénéficiaires brésiliens devraient percevoir ces prestations juste après le décès de l’assuré sans que cela n’implique de procédure de succession internationale. Le délai de règlement ne doit pas dépasser un mois à compter de la date à laquelle la compagnie d’assurances a reçu l’intégralité des documents nécessaires au versement.
D’un point de vue fiscal, ces montants ne seraient pas assujettis à des droits de donation/succession puisque l’événement déclencheur est le transfert de propriété ou de droits résultant de la succession ou de la donation et non une indemnisation au titre d’une assurance-vie. De plus, le Code des impôts brésilien stipule que le capital figurant dans un contrat d’assurance-vie versé à un résident brésilien en qualité de bénéficiaire est exonéré de l’impôt sur le revenu. En outre, les autorités fiscales brésiliennes ont déjà reconnu, en vertu d’une décision, que cette exonération s’applique également aux contrats d’assurance-vie souscrits à l’étranger tant que les caractéristiques obligatoires des contrats d’assurance au Brésil sont respectées à la lettre. Ainsi, si le contrat a été rédigé en bonne et due forme, les prestations décès versées aux bénéficiaires brésiliens ne doivent pas être soumises à des droits de donation et de succession et sont exonérées de l’impôt sur le revenu.
Dans le cas de montants découlant de rachats ou de créances à échéance, puisque le Brésil n’impose pas aux individus de règles relatives aux sociétés étrangères contrôlées, l’imposition ne serait déclenchée qu’une fois les dividendes distribués à l’actionnaire ou la réduction du capital ou la liquidation de la structure à l’étranger. Dans le cadre du premier scénario, l’impôt sur le résultat serait prélevé à hauteur de 27,5%. Dans le cadre du second scénario, les individus doivent évaluer les plus-values obtenues et les soumettre à une imposition progressive allant de 15 % à 22,5 %.
Compte tenu des réglementations en vigueur au Brésil en matière de contrôle des changes, les virements effectués à l’intérieur et à l’extérieur du territoire déclencheraient une imposition au titre de la taxe sur les transactions financières. En règle générale, les clients donnent aux compagnies d’assurances l’instruction de déposer les produits sur leurs comptes bancaires à l’étranger. Si les individus souhaitent rapatrier ces fonds au Brésil, un accord sur le contrôle des changes de devise devrait alors être conclu avec une banque brésilienne pour permettre le retour des fonds disponibles de l’étranger (« retorno de disponibilidade »), ce qui impliquerait alors une imposition de 0,38 % au titre de la taxe sur les transactions financières.
Les évolutions de la fiscalité brésilienne
Il convient de souligner que le Brésil est une juridiction qui n’impose pas aux individus les règles relatives aux sociétés étrangères contrôlées et qui n’a pas non plus adopté le principe privilégiant le fond par rapport à la forme. En ce sens, il existe de nombreuses opportunités à explorer en matière de planification fiscale et les Brésiliens structurent majoritairement leur patrimoine via des sociétés d’investissement situées dans des paradis fiscaux. Malgré le manque de volonté politique d’adopter la législation nécessaire, les autorités fiscales brésiliennes prennent de plus en plus pour cible les structures étrangères. Il est donc important d’examiner de quelle manière les autorités administratives et judiciaires interprètent et autorisent les solutions de planification fiscale.
Jusqu’à récemment, les limites de la planification fiscale se fondaient sur le principe de légalité (limites négatives de conduite). Néanmoins, les autorités fiscales ont commencé à imposer l’existence de restrictions supplémentaires concernant l’objet de l’activité (limites positives de conduite) afin de combler les lacunes juridiques. Elles commencent donc à se distancier d’une analyse exclusivement fondée sur la formalité exigée par la législation pour privilégier le fond par rapport à la forme, une approche en vertu de laquelle la forme juridique d’une transaction donne lieu à un prélèvement en fonction de sa réalité économique. En ce sens, si une transaction est menée de manière discutable du fait de son caractère artificiel dans un contexte d’évasion fiscale, les autorités fiscales locales pourraient avoir des motifs de la contester.
Afin de se préparer à ce changement de paradigme, nous conseillons fortement à nos clients de tenir compte de la pertinence de l’objet de l’activité et de la réalité économique lorsqu’ils conçoivent des solutions visant à structurer un patrimoine à long terme.
N’hésitez pas à prendre contact avec nous si vous souhaitez que nous vous aidions à trouver une solution pour votre patrimoine.